Avez-vous vu celui que mon cœur aime ? » (Ct
3,3)
Il faut mesurer avec quelle force l'amour avait embrasé l'âme de cette
femme qui ne s'éloignait pas du tombeau du Seigneur, même lorsque les
disciples l'avaient quitté. Elle recherchait celui qu'elle ne trouvait pas,
elle pleurait en le cherchant, et, embrasée par le feu de son amour, elle
brûlait du désir de celui qu'elle croyait enlevé. C'est pour cela qu'elle a
été la seule à le voir, elle qui était restée pour le chercher, car
l'efficacité d'une œuvre bonne tient à la persévérance, et la Vérité
dit cette parole : « Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là
sera sauvé » (Mt 10,22)...
Car l'attente fait grandir les saints désirs. Si l'attente les fait
tomber, ce n'étaient pas de vrais désirs. C'est d'un tel amour qu'ont
brûlé tous ceux qui ont pu atteindre la vérité. C'est pourquoi David
dit : « Mon âme a soif du Dieu vivant : quand pourrai-je parvenir devant
la face de Dieu ? » (Ps 41,3) Et l'Église dit encore dans le Cantique des
cantiques : « Je suis blessée d'amour » et plus loin : « Mon âme a
défailli » (Ct 2,5). « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui
cherches-tu ? » On lui demande le motif de sa douleur, afin que son désir
s'accroisse, pour qu'en nommant celui qu'elle cherche, elle rende plus ardent
son amour pour lui.
« Jésus lui dit : Marie ». Après le mot banal de
« femme », il l'appelle par son nom. C'est comme s'il lui disait :
« Reconnais celui qui te connaît. Je ne te connais pas en général, comme
toutes les autres, je te connais d'une façon personnelle. » Appelée par
son nom, Marie reconnaît donc son Créateur et elle l'appelle aussitôt
« Rabbouni, c'est-à-dire maître », parce que celui qu'elle cherchait
extérieurement était celui-là même qui lui enseignait intérieurement à
le chercher.