dimanche 27 mars 2011

La longue marche de l'eau

La Parole de Dieu

« Une femme de la Samarie vient puiser de l'eau. Jésus lui dit : "Donne-moi à boire." »
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean, chapitre 4, verset 7.

La méditation

Elle avait aperçu de loin cet inconnu, tandis qu'elle arrivait dans la plaine de Samarie, la cruche sur la tête, en quête de l'eau quotidienne. L'Evangile ne dit pas son nom. Celui qui a été fixé à jamais, c'est « la Samaritaine » au destin unique, cette femme qui s'est trouvée un jour face à face avec le Christ qui l'attendait à son insu. Comme il attend encore chacun de nous à des tournants précis.

Il est midi. Il fait chaud. Cet homme est là, seul, visiblement fatigué, assis près du puits, l'étape habituelle des longues marches dans ces pays vite brûlés par le soleil. Il n'a rien pour puiser à cette source profonde – près de 30 mètres dit-on – et demande à boire sans préalable, comme quelqu'un qui n'en peut plus. Quoi de plus naturel ? Quoi de plus humblement humain ? Il n'est pas dit qu'elle refuse, c'est peu vraisemblable, surtout en Orient. Mais avant le geste rapide d'une femme habituée à ce genre de service, voilà que l'étranger engage un dialogue inattendu. Il semble oublier complètement sa fatigue et se met à parler de Dieu, du « don de Dieu ». Il propose même, au lieu de boire, de satisfaire sa soif à elle, avec une eau vive tirée on ne sait d'où. Que veut-il bien dire ? Peut-il trouver mieux que le puits de notre père Jacob ? Pour qui se prend-il ?

La Samaritaine a les pieds bien sur terre, elle sait, comme toutes les femmes de ce temps et de ce pays, ce que représente le don de l'eau, la valeur d'une source au milieu du désert ou simplement d'une plaine sèche, la servitude que représente pour elle cette route journalière pour puiser la ration vitale, elle connaît tout cela bien plus que le don de Dieu ! Et beaucoup de nos contemporains dans les pays pauvres d'Afrique et d'ailleurs, loin de nos salles de bain confortables et de nos gaspillages, expérimentent encore aujourd'hui qu'il n'est pas si facile de penser à Dieu quand les nécessités les plus élémentaires vous manquent et vous collent littéralement à la terre.

Jésus sait bien tout cela, il connaît les problèmes de son temps et du nôtre. Il ne discute pas, mais parle avec douceur et autorité d'une eau nouvelle, d'une eau vive, qui chante et enchante, une eau qui reste sans cesse attachée à la source, et dont il dispose comme par miracle. Quelle image pouvait être plus parlante de la vraie vie, éveiller l'intérêt du corps et de l'âme ? C'est pour révéler cette eau-là qu'il devait traverser la Samarie, et non d'abord pour prendre le plus court chemin vers la Galilée. Il fallait qu'il se trouve à cet endroit-là, à cette heure-là, le coeur brûlant de miséricorde et du désir de révéler au monde, à cette femme en premier lieu, le vrai visage de l'amour.

Il ne dédaigne pas l'eau de la terre, non, il sait à quel point elle est indispensable à la vie.

Mais, aussi précieuse soit-elle, aussi graves soient les problèmes qui la concernent, « quiconque boit de cette eau aura encore soif ». Tout ce qui est terrestre est transitoire et incapable de combler les soifs les plus profondes de notre coeur. Car n'y a-t-il pas en chacun de nous un lieu secret qui aspire à l'infini ?... Jésus s'écriera un jour : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ! » (Saint Jean, Chapitre 7, verset 37). La source d'eau vive jaillissant en vie éternelle, c'est lui-même, c'est sa Parole qui nous révèle le Père ! Pour nous introduire dans cette plénitude de vie sans fin, pouvait-il y avoir meilleur signe que l'eau du baptême ? Oui, c'est par l'eau que l'Eglise accueille ses nouveaux enfants et les fait participer à la vie même du Christ en les plongeant dans sa mort et sa résurrection. Harmonie merveilleuse des réalités terrestres et célestes !

Mais qu'a bien pu comprendre la Samaritaine de cette mystérieuse promesse de vie éternelle, à travers une eau jaillissant à l'infini ? Sans doute s'est-elle trouvée, comme nous le sommes souvent devant les réalités spirituelles, au seuil de quelque chose qui la dépassait et la soulevait déjà au-dessus d'elle-même. Deux soifs sont souvent en présence : la nôtre, à la mesure de la profondeur de notre pauvreté et parfois de notre détresse, et celle du Seigneur, sans mesure, car sa miséricorde est infinie.

Alors, si l'eau de notre vie nous semble certains jours une eau morte, ou si le torrent a été par trop dévastateur, si de multiples épreuves en viennent parfois troubler ou tarir le flot, il nous faut croire que le Christ est aussi présent sur notre route que sur celle de Samarie, et son Esprit toujours prêt à nous ouvrir le « puits des Ecritures », là où l'eau vive promise ne cesse de jaillir pour combler nos vraies soifs.

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