mardi 19 avril 2011

Ma die, je la donne

La Parole de Dieu

« Quelques jours avant la fête de la pâque, Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem, arrivèrent à Bethphagé, sur les pentes du mont des oliviers. »
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu, chapitre 21, verset1.

La méditation

Voici que nous entrons dans la semaine sainte où nous allons suivre Jésus montant vers sa Passion et sa croix. Avec la liturgie des Rameaux, nous acclamons l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem comme un avant-goût du triomphe de Pâques. Il faut, en effet, avoir été ébloui par le Christ en gloire pour suivre le Christ, dans les humiliations de sa Passion, sans perdre coeur. Mais pourtant, la semaine sainte nous rappelle qu'on ne peut avoir part à la joie de la résurrection de Jésus sans communier à ses souffrances et à sa croix.

Certes le message de la croix est, aujourd'hui comme hier, difficile à entendre. La souffrance et la mort semblent si absurdes qu'il est difficile d'en parler. Elles appellent surtout à l'égard de ceux qui souffrent respect et silence. Pourtant, peut-on complètement se taire ? Dans ce monde où éclatent sous nos yeux tant de sang innocent versé, tant de vies brisées, tant d'hommes et de femmes qui souffrent et meurent, n'est-ce pas le moment, à l'entrée de la passion, par delà les combats, voire les révoltes inévitables, de chercher, près du Christ en croix, non des réponses ou des explications, mais une source de lumière et de paix ?

Notons d'abord, qu'avant tout discours, il nous faut accueillir la croix comme un fait et un mystère majeur de l'Évangile. Car Dieu ne nous parle pas d'abord par des discours mais par des faits, des gestes immenses qui nous révèlent son étonnante sagesse. Pour nous sauver, Dieu n'a pas choisi ce qui est le privilège de quelques-uns : la richesse, la science…, il s'est dépouillé, abaissé, comme dit saint Paul, jusqu'à prendre sur lui ce qui affecte notre être même, notre souffrance et notre mort. Avec cela, le plus commun, le plus intime, le plus redouté, il sauve le monde.

Aussi, dans nos épreuves, le Christ n'est plus loin de nous. Éprouvé en tout, comme nous, excepté le péché, il peut compatir à toutes nos faiblesses et transfigurer toutes nos blessures. En silence, en effet, le Christ a connu nos douleurs, nos solitudes, le mépris des puissants, la légèreté des foules, la trahison et l'abandon de ses amis et même nos agonies et le silence mystérieux du Père à l'heure de la mort : « mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as tu abandonné ? »

Mais ce qui change tout, ce sont les paroles toutes de paix qui descendront de la croix : « Père pardonne leur » ; « Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis » ; « voici ta Mère » ; « Entre tes mains ». Mais surtout, dans la Passion selon saint Jean, Jésus nous apparaît comme le Seigneur Roi, Dieu lui même qui nous donne sa vie, par amour.

C'est vrai, Jésus est « livré » mais il se livre lui même. Dans la nuit de Gethsémani, quand on vient l'arrêter, Jésus lui-même s'avance : « Qui cherchez vous ? C'est Moi ». De même, il rend le dernier soupir quant Il sait que « tout est accompli ». En croix, Jésus nous fait le don total de sa vie. Dans la croix de son Fils, c'est Dieu lui-même qui nous dit la folie de son amour.

Pour nous, dans cette lumière du Christ qui, dans sa mort, est Roi et donne sa vie, il me semble que le Seigneur nous adresse peut-être comme un appel. Pour le comprendre je me permets d'évoquer un témoignage bouleversant, celui d'un homme de coeur, Emmanuel Mounier.

Quand sa petite fille Françoise est atteinte d'encéphalite, il ose écrire à sa femme Paulette : « Si nous ne faisons que souffrir, endurer, supporter, nous ne tiendrons pas… Du matin au soir, ne pensons pas à ce mal comme quelque chose qu'on nous enlève, mais comme quelque chose que nous donnons afin de ne pas démériter de ce petit Christ qui est au milieu de nous. »

Finalement, par l'amour et la présence du Seigneur, nos épreuves cessent peu à peu d'être des lieux de repli sur soi ou d'accusation, mais des lieux de dépossession de soi et d'identification au Seigneur. Quand nos pauvres vies, si touchées soient elles, deviennent rayonnantes de lumière, de paix, quand elles ont déjà l'ampleur de l'amour, la mort est déjà vaincue en nous, nous devenons des vivants avant la mort. Nos yeux ne s'arrêtent plus au visage du crucifié, ils sont éblouis par le Seigneur de gloire au point d'attendre, toute notre vie, la joie du Face à Face.

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